L’uranium naturel contient majoritairement deux isotopes, l’235U (0,7 %) et l’238U (99,3 %). Enrichir l’uranium consiste à augmenter la teneur en 235U. Cette opération est réalisée par ultracentrifugation en cascade : sous l’effet de l’accélération centrifuge, les molécules les plus lourdes sont repoussées à la périphérie, induisant une séparation isotopique. Pour les réacteurs actuels à eau pressurisée, la teneur en isotope 235 de l’uranium est portée entre 3 % et 5 %.

d'uranium enrichi sont nécessaires chaque année à la fabrication des assemblages combustibles à Uranium naturel enrichi (UNE) alimentant le parc français.
0 tML
d'Uranium appauvri (Uapp) sont produites suite à cet enrichissement. Ce chiffre est particulièrement approximatif et dépend des conditions de marché.​
0 tML

Note : l’unité tonnes de métal lourd (tML) ne comptabilise que les tonnes de métal, et non les masses d’oxygène par exemple. Cette unité présente l’avantage de ne pas dépendre de la forme physique de la matière, qui varie tout au long des opérations du cycle.

Principe général

L’Uranium naturel est majoritairement composé d’235U et d’238U (et de traces de 234U). L’enrichir consiste à augmenter sa teneur en isotope 235.

L’235U et l’238U sont (presque) chimiquement identiques, mais leurs propriétés physiques différent. C’est le cas de la masse : L’235U a possède 143 neutrons contre 146 pour l’238U, il est ainsi très légèrement plus léger. La majorité des technologies d’enrichissement vont plus ou moins directement utiliser cette différence de masse.

Masse de l'isotope 235 de l'Uranium : 3,93E-24 kg
98.74%
Masse de l'isotope 238 de l'Uranium : 3,98E-24 kg
100%

Une fois l’opération d’enrichissement réalisée, deux flux sont obtenus : 

  • un d’uranium enrichi, contenant de l’ordre de 3 à 5 % de 235U, qui, transporté en conteneurs cylindriques 30B, va suivre le circuit de la fabrication du combustible ;
  • un d’uranium appauvri, contenant de l’ordre de 0,2 à 0,3 % de 235U, qui, entreposé en conteneurs cylindriques 48Y,  va généralement être converti en forme plus stable (U3O8) puis entreposé dans des conteneurs métalliques (DV70, dits “cubes verts”).

Le parc nucléaire français nécessite l’enrichissement d’environ 7800 tML d’uranium naturel par an, générant ainsi environ 6720 tML d’uranium appauvri chaque année. L’uranium appauvri est plus faiblement radioactif que l’uranium naturel (16 000 Bq/g pour du 0,3 % 235U, contre 25 400 Bq/g pour l’uranium naturel).

Flux approximatifs obtenus à partir d’uranium naturel en entrée (enrichissement de 4,5 %) :

Uranium naturel en entrée
100%
Uranium enrichi en sortie
16%
Uranium appauvri en sortie
84%

Travail de séparation

Le travail d’enrichissement s’exprime en UTS (Unité de travail de séparation). Il dépend à la fois :

  • de la teneur de l’uranium en entrée (0,711 % pour de l’uranium naturel) ;
  • du taux d’enrichissement visé ;
  • et de la teneur de l’uranium appauvri définie.

Ainsi, plus le taux d’enrichissement visé sera conséquent, le plus de travail sera nécessaire.

Données issues de [1].

La teneur en uranium appauvri définie influe sur le travail nécessaire ainsi que sur la quantité d’uranium naturel nécessaire (plus elle sera faible, plus il faudra de travail et moins il faudra d’uranium), en conséquence un équilibre est à trouver selon le coût de l’enrichissement et le coût de l’uranium naturel.

Catégorisations de l'uranium

Selon sa teneur en isotope 235, l’uranium peut être classé dans les catégories suivantes :

Capacités installées

En 2020, les capacités d’enrichissement installées, mesurées en Unité de travail de séparation (UTS), étaient les suivantes :

Russie (Tenex) : 27 700 milliers d'UTS/an
46%
Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Unis (Urenco) : 13700 milliers d'UTS/an
23%
France (Orano) : 7 500 milliers d'UTS/an
12.5%
Chine (CNNC) : 6 300 milliers d'UTS/an
10.5%
Etats-Unis (Urenco) : 4 900 milliers d'UTS/an
8%
Autres : 66 milliers d'UTS/an
0%

Données issues de [1].

Procédés d'enrichissement

Parmi les procédés d’enrichissement démontrés, seuls deux ont, à ce jour, opéré à l’échelle industrielle. Il s’agit de la diffusion gazeuse, utilisée en France dans l’installation Georges Besse I de 1979 à 2012, et de la centrifugation, actuellement en application en France dans l’installation Georges Besse II. 

Point de comparaison notable entre ces deux procédés, la centrifugation consomme 50 fois moins d’électricité que la diffusion gazeuse. Ainsi durant sa période de fonctionnement, l’usine Georges Besse I avait besoin de l’équivalent de 3 des 4 tranches de la centrale nucléaire de Tricastin pour fonctionner au maximum de ses capacités de production.

Consommation énergétique de la diffusion gazeuse : 2500 kWh/UTS
100%
Consommation énergétique de la centrifugation : 50 kWh/UTS
2%

Que faire du flux d'uranium appauvri ?

L’enrichisseur est le propriétaire de l’uranium appauvri, initialement obtenu sous forme d’UF6

  • Le stocker

Certains industriels le stockent sous cette forme (pouvant occasionner des problèmes environnementaux, l’UF6 étant très corrosif), d’autres optent pour une déconversion de l’UF6 en une forme stable, l’U3O8, permettant ainsi de recycler de l’HF. 

Le procédé consiste à vaporiser l’UF6 en autoclave en présence de vapeur d’eau : 

L’UF6 est vaporisé dans des autoclaves. Le fluor d’uranyle (UO2F2) obtenu est ensuite mis en réaction à 700 °C avec de l’hydrogène, permettant ainsi d’obtenir de l’U3O8 et de l’HF.

Etats-Unis (Mid America Conversion Services + INIS) : 38 000 tU/an
48.7%
France (Orano) : 20 000 tU/an
25.6%
Russie (Tenex) : 10 000 tU/an
12.8%
Royaume-Uni (Urenco) : 10 000 tU/an
12.8%

Données issues de [2].

  • Le ré-enrichir

Selon les cours de l’uranium, le ré-enrichissement de l’uranium appauvri est réalisé ou non. A titre indicatif, entre 2000 et 2010, la France a exploité près de 60 000 t d’uranium appauvri afin de le ré-enrichir.

Données issues de [3].

Le ré-enrichissement de l’uranium appauvri est ainsi considéré comme un projet national alternatif à un projet minier hors France qui nécessiterait des investissements et des développements. Cette ressource est par ailleurs facilement exploitable et sa mise en service pourrait être rapide : comparé à une durée moyenne de 10 ans de développement pour une mine classique, le temps nécessaire entre la date de décision du ré-enrichissement et sa mise en œuvre est de quelques mois seulement. Cette ressource domestique constitue ainsi un des piliers de la sécurité d’approvisionnement du parc nucléaire français.

  • Le valoriser dans des réacteurs à neutrons rapides

A ce jour, la France ne dispose pas de réacteurs à neutrons rapides. L’uranium appauvri peut permettre à un réacteur de produire davantage de matériaux fissiles qu’il n’en consomme, on le qualifie alors de surgénérateur. Pour ce faire, des couvertures fertiles composées d’uranium appauvris sont introduites dans le réacteur afin d’en subir le flux neutronique, suffisamment puissant de par l’absence de modérateur. Sous ce flux, l’uranium 238 composant l’uranium appauvri va former du plutonium, qui pourra être récupéré après retraitement des couvertures fissiles.

  • Autres perspectives de valorisation

Des études sont menées pour évaluer les possibilités d’utilisation de l’uranium appauvri à d’autres fins que la production électronucléaire : blindage radiologique (conteneurs, entreposages de substances radioactives), batteries, catalyseurs, convertisseurs thermoélectriques, stockage thermochimique réversible de chaleur, etc.

Et l'enrichissement de l'Uranium de retraitement (URT) ?

Si l’URT a des caractéristiques comparables à celles de l’uranium naturel, des différences subsistent : 

  • l’URT possède environ 0,8 % d’isotope 235, contre 0,711 % pour l’uranium naturel ;
  • l’URT possède des traces d’isotopes 232 dont les descendants sont des émetteurs gamma intenses, imposant des contraintes en terme de radioprotection ;
  • l’URT contient des traces d’isotopes 234 et 236, qui sont neutrophages et imposent un enrichissement plus élevé en isotope 235.

Données issues de [4].

Ces isotopes étant plus légers que le 238, ils tendent à se concentrer dans le flux enrichi lors de l’enrichissement par centrifugation.  Il est aussi possible d’enrichir l’URT en le mélangeant à de l’uranium plus enrichi.

L’URT contient également des traces de produits de fission 144Ce, 103Ru, 106Ru, 137Cs, 95Zr, 95Nb dont l’activité globale est extrêmement faible (quelques Bq/g).

Ainsi, des contraintes s’imposent lors des étapes de conversion, enrichissement et fabrication des combustibles associées à l’uranium de retraitement : 

  • Conversion : opérations similaires mais avec une protection accrue des travailleurs et une gestion des déchets spécifiques ;
  • Enrichissement : ligne dédiée avec protections biologiques nécessaires ;
  • Fabrication des assemblages : lignes dédiées avec protections biologiques nécessaires.

Par ailleurs, les conteneurs de transport (cylindres 30B) ayant contenu de l’Uranium de retraitement enrichi (URE) doivent être lavés avant d’être réutilisés.

En France, l’URT, une fois converti puis enrichi et mis en assemblages,  a été utilisé entre 1994 et 2013 dans les réacteurs de la centrale de Cruas. Sur l’ensemble de cette période, près de 4350 tonnes d’URT ont été ré-enrichies. En 2018, EDF a décidé de relancer cette filière à partir de 2023 (cf. [4]).

  • HALEU : High-assay low enriched uranium ;
  • HEU : High-enriched uranium ;
  • LEU : Low-enriched uranium ;
  • MOX : Mélange d’oxydes (d’uranium et de plutonium) ;
  • TBP : Tributylphosphate (solvant) ;
  • tML : tonne de métal lourd ;
  • UNE : Uranium naturel enrichi ;
  • URE : Uranium de retraitement enrichi ;
  • UTS : Unité de travail de séparation.

[1] Uranium Enrichment


[3] Uranium Price

[4] Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire – Présentation du “Cycle du combustible” français en 2018