Un cœur de réacteur typique est constitué d’environ 200 Assemblages Combustibles (AC), longs chacun de 4 m et pesant 750 kg. Ces assemblages passent trois à cinq ans dans le cœur et sont déplacés périodiquement, pour les rapprocher du centre au fur et à mesure de leur épuisement. Leur agencement prend également en compte d’autres contraintes : alignement avec les grappes de commande et d’arrêt, interfaces entre des assemblages différents, irradiation de la cuve, etc.
La réaction de fission nucléaire en chaîne est issue de l’interaction entre des atomes fissiles, notamment l’uranium 235, et les neutrons produits par la fission elle-même. De ce fait, la réaction est d’autant plus intense qu’il y a, à un endroit donné, une forte concentration d’atomes fissiles et un flux important de neutrons. Cela implique que le centre d’un coeur de réacteur se consomme bien plus vite que sa périphérie et donc, lorsque le combustible au centre est épuisé de son potentiel énergétique, la périphérie présente, elle, encore un fort potentiel. Remplacer l’intégralité du coeur lorsque le centre est épuisé implique donc, fatalement, un gâchis d’énergie et de matière première.
Pour optimiser l’utilisation de la matière, les coeurs sont fractionnés ; lors du rechargement du combustible, seul le tiers le plus central, épuisé, est évacué. Le deuxième tiers prend sa place au centre, le tiers le plus en périphérie prend la place du deuxième tiers et du combustible neuf (ou frais) est introduit en périphérie. De la sorte, chaque assemblage combustible réalise trois « cycles » d’irradiation, le premier en périphérie du coeur, le dernier au centre du coeur, le deuxième entre les deux. Cette organisation permet d’avoir une consommation égale pour l’ensemble des assemblages combustibles, maximisant l’énergie extraite pour une même consommation de matière fissile.
Selon les réacteurs, cette organisation peut être découpée non pas en trois tiers mais éventuellement en deux moitiés ou quatre quarts. Un fractionnement plus important permet de maximiser l’utilisation du combustible, mais se paye en arrêts plus fréquents pour réorganiser le combustible, et donc en une moindre production d’électricité du réacteur en raison du temps passé à l’arrêt.
La construction du coeur est la disposition les uns par rapport aux autres, dans la cuve du réacteur, des assemblages combustibles au regard de ces contraintes.
Outre les phénomènes décrits précédemment, d’autres paramètres conditionnent la construction du cœur, tels que :
- Enrichissement
L’enrichissement du combustible, donc la teneur en atome fissiles de l’uranium, influe sur l’énergie qu’il est possible de tirer d’un même assemblage de combustible : plus il y a de matière fissile, plus il y a d’énergie.
De plus, un combustible plus enrichi est un combustible qui aura été plus coûteux à produire, il est donc impératif d’en tirer davantage d’énergie pour amortir ce surcoût.
- Irradiation de la cuve
La cuve du réacteur est un constituant considéré comme irremplaçable d’un réacteur nucléaire. En acier, elle est critique pour la sûreté du réacteur en fonctionnement (devant supporter une pression interne de plus de 150 bar) et en situation d’incident ou d’accident (la pression pouvant alors monter à 200 bar). Or, ses propriétés mécaniques tendent à se dégrader sous l’effet du rayonnement issu du cœur, notamment des neutrons, elle devient notamment plus cassante et sensible aux chocs thermiques.
Pour la préserver, il convient d’éviter de mettre les combustibles les plus irradiants, donc les moins usés, en périphérie du cœur, au contact de la cuve. Cette contrainte entre directement en contradiction avec la gestion de cœur par tiers ou par quarts, et impose des recherches de compromis pour prolonger la durée de service de la cuve.
- Pics de puissance
Pour des raisons d’usure du combustible mais aussi de sûreté, il est souhaité que la puissance soit la plus homogène possible dans le cœur. Entre autres, c’est parce qu’une puissance localement trop élevée peut induire une température trop élevée et conduire à dégrader le combustible pouvant aller jusqu’à provoquer des fuites du contenu du combustible dans le circuit primaire. Il conviendra donc d’éviter de regrouper les combustibles frais entre eux.
- Absorbants neutroniques
Le pilotage du réacteur repose, entre autres, sur l’insertion dans les assemblages combustibles de grappes absorbant les neutrons et ralentissant de la sorte la réaction en chaîne.
Un combustible encore frais, très réactif, sera très sensible au pilotage par ces grappes, car elles ont le pouvoir de considérablement réduire sa réactivité. Réciproquement, un combustible trop usé, trop peu réactif, sera peu sensible aux absorbants, réduisant d’autant la flexibilité du pilotage du réacteur. On évitera donc de positionner des combustibles dans leur dernier cycle aux emplacements où s’insèrent les grappes d’absorbants.
- MOX
Le combustible MOX, à base de plutonium recyclé, est à la fois plus irradiant, plus sujets aux pics de puissance, et demande un pilotage plus nerveux de la puissance. Les différents paramètres listés ci-avant pèsent donc d’autant plus fort sur un combustible MOX.
La construction du cœur est donc un compromis entre coûts du combustible, production annuelle et durée de vie du réacteur, contraintes de sûreté. Chaque emplacement est occupé par un assemblage bien identifié comme résultant de tous ces paramètres.
D’un réacteur à l’autre, et au fil des décennies, différentes « gestions de cœur » ont été mises en oeuvre. Par exemple :
- Standard :
- Enrichissement à 3,25%
- Rechargement par tiers tous les 290 jours
- Énergie fournie : 790 GWh de chaleur par tonne d’uranium
- Garance :
- Enrichissement à 3,7%
- Rechargement par quarts tous les 280 jours
- Énergie fournie : 1000 GWh de chaleur par tonne d’uranium
- Cyclades
- Enrichissement à 4,2% + Gadolinium
- Rechargement par tiers tous les 355 jours
- Énergie fournie : 1200 GWh de chaleur par tonne d’uranium
Entre la gestion standard et la gestion dite Garance, on constate bien qu’augmenter le fractionnement permet d’augmenter l’énergie tirée du combustible, en contrepartie d’un enrichissement initial accru (coûts plus élevés) et d’une durée entre deux rechargements réduites (centrale moins productive). Et, avec la gestion cyclades, on découvre de nouvelles marges d’optimisation : l’ajout d’un empoisonneur neutronique, le gadolinium, qui se consomme au fur et à mesure de l’usure du combustible, permet de repousser à la fois le potentiel énergétique du combustible et le temps entre deux rechargement. Naturellement, cela a des contreparties… À commencer par le besoin d’un enrichissement initial encore accrue.
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